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Antoine Tsekenis Avocat

Consommation : un droit de rétractation après une période d'essai gratuite ?

De très nombreux sites internet proposent des abonnements commençant par un essai gratuit. Néanmoins, à la fin de l'essai, le consommateur bascule sur un abonnement payant, qu'il ait apprécié le service, ou ait tout simplement oublié de le résilier.

Une association a tenté de faire valoir que, même s'il a bénéficié d'une période d'essai, le consommateur doit pouvoir se rétracter.

Le 5 octobre 2023, la Cour de justice de l’Union européenne a apporté une réponse qui rassurera les fournisseurs de service et vendeurs en ligne.

1. Le consommateur dispose d'un droit de rétractation lorsqu'il achète un produit ou souscrit à un service à distance


Depuis une directive de 2011, le droit de l’Union européenne a introduit un droit de rétractation pour les achats à distance, qui profite notamment aux internautes. Tout consommateur qui acquiert un produit ou commande un service à distance dispose d'un délai de 14 jours pour revenir sur son choix.

Ainsi, dans les 14 jours suivant la livraison du produit, il peut le renvoyer et obtenir remboursement. S'il souscrit à un service fourni à distance (ex. : abonnement à une plateforme de vidéos en ligne), il pourra résilier son abonnement dans les 14 jours suivant la souscription.

2. Si le professionnel propose une période d'essai gratuite, faut-il attendre la fin de cette période pour que débute le délai de rétractation ?


Qu’en est-il lorsque le vendeur/fournisseur propose une période d’essai gratuite ? Faut-il considérer que cette période d'essai se superpose à la période de rétractation ? Ou bien, le consommateur doit-il disposer d'un délai de rétractation qui commence à la fin de la période d'essai ?

Dans l'affaire dont étaient saisis les juges, le professionnel proposait une période d’essai gratuite de 30 jours. Si le consommateur ne résiliait pas l’abonnement sur cette période, un abonnement payant débutait, avec un engagement sur plusieurs mois.

Une association de consommateur autrichienne a soutenu que le droit de rétractation devait s’appliquer à la fin de la période d’essai.

A suivre ce raisonnement, le consommateur obtenait 44 jours pour revenir sur son choix. Si ce délai semble long, il faut rappeler que la méthode de "l'essai gratuit" comporte des risques pour les consommateurs : encouragement des achats irréfléchis, oubli de résilier à temps, manque de transparence du professionnel sur l' "après" essai gratuit, ou même obstacles volontaires à la résiliation du contrat. Il est rarement aussi facile de s'abonner que de se désabonner.

3. Pour les juges, il s'agit d'une problématique de renouvellement automatique du contrat


Les juges ont considéré qu'il existait un premier contrat, d’essai et gratuit, qui se trouvait reconduit à la fin de la période de 30 jours, cette fois dans une version payante. La question est ainsi reformulée : le droit de rétractation s'applique-t-il au début d'un deuxième contrat en cas de renouvellement automatique ?

Par cette analyse, la Cour rattache l'affaire à la problématique plus large de la reconduction automatique ("tacite") des contrats de consommation. Il est vrai que les risques pour le consommateur sont en grande partie similaires. Que la "reconduction tacite" ait lieu après un essai d'un mois, ou un contrat de douze mois, il pourra oublier de résilier ou être victime d'une information insuffisante.

Les clauses de reconduction tacite des conditions générales des professionnels posent régulièrement question. Lorsqu'elles introduisent un "déséquilibre significatif", elles sont d'ailleurs réputées nulles par la loi. En France, une protection importante existe par ailleurs pour les contrats de longue durée : le professionnel doit rappeler au consommateur qu’il dispose d’une période pour s’opposer à la reconduction du contrat, lorsqu'elle approche. Les délais sont conséquents, car il doit présenter cette information 3 à 1 mois avant la fin de la période d’opposition, et préciser la date exacte après laquelle il ne sera plus possible de s’opposer à la reconduction (art. L215-1 du Code de la consommation français).

4. Il n'y a donc pas de droit de rétractation à la fin d'une période d'essai gratuite


La directive de 2011 ne prévoit pas que le droit de rétractation s'applique en cas de renouvellement de contrat.

La Cour rappelle que ce droit a pour objectif de donner au consommateur un « délai de réflexion », à la suite de d'un achat. Il permet au consommateur de s'assurer que le produit ou service lui convient, et qu'il fonctionne correctement. Et, notent les juges, la période d’essai offerte par le professionnel poursuit le même objectif.

En conséquence, ils considèrent que la période pendant laquelle le consommateur peut faire usage du droit à rétractation a un seul point de départ, la souscription au contrat. Peu importe que l’abonnement soit gratuit ou non pendant une période de 14 jours ou plus.

D'après les termes de l'arrêt, la solution doit être dupliquée à tous les contrats à distance (vente en ligne, par téléphone et voie postale).

De même, il est clairement indiqué que le droit de rétractation ne s’applique jamais aux reconductions de contrats (Csd. 48).

5. A condition que le consommateur sache à quoi il s'engage !


Toutefois, les juges réitèrent un garde-fou : le consommateur doit être correctement informé de ce que, à la fin de la période d’essai, le service devient payant.

A défaut d'information suffisante, une sanction forte est prévue. Le délai de rétractation n'est plus de 14 jours mais de 12 mois.

Le droit de la consommation encadre fortement les rapports entre les professionnels et les consommateurs. Face à ces multiples règles, parfois subtiles, l'assistance d’un professionnel s’avère précieuse.

Antoine Tsekenis
Avocat à la Cour

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